FABIEN BOITARD

du 24 mars au 5 mai 2024

La Galerie de la Cascade présente à partir du 24 mars l’artiste peintre Fabien BOITARD.

Né à Blois en 1973 et après l’obtention du Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique de l’École des Beaux Arts de Bourges, avec les félicitations du jury, privilégiant son cadre de travail et la qualité de vie, il s’est installé près de Montpellier. Il vit et travaille maintenant à Aniane (34) et y développe une peinture figurative.

« Basée sur la Polyfacture, ma peinture tente de composer avec différentes façons de peindre. Toutes les formes physiques, tous ses états texturiels de-vaient pouvoir un jour me servir d’outils. Le flou, le net, la couleur, la non-couleur, le jeté, le posé, le raclé, l’effacé, le vite exécuté, mais aussi le dessin laborieux, expressif, photographique, bref tout ce qui caractérise une symbolique, induit une gestuelle spécifique, une forme pure, relevant d’un choix efficace, visible et identifiable. En bref un vocabulaire suffisamment riche pour qu’une dialectique s’instaure de par la juxtaposition ou combinaison subtile de plusieurs factures/outils entre elles. En axant mon travail et en composant avec ces différents rapports de factures, j’affirme à mon sens la volonté de faire des choix parmi les possibles, garantissant un subjectivisme total ».

La peinture/sujet, la peinture figurative, qui cherche naturellement, ou plutôt culturellement à se démarquer des générations précédentes.

« Quoi peindre aujourd’hui? ». Le choix du sujet a toujours été compliqué pour moi. La figuration nécessite la manipulation d’images, et de thèmes. Un prétexte à une réflexion périphérique au médium peinture, en un lieu commun, celui de l’identifiable, de l’assimilable, et de l’appropriable par tous. Une poétique à l’opposé de l’idée répandue du monologue intérieur. Sentir le poids de la tradition et jouir des arrachements au sein du cadre prédéfini pour sa redéfinition même. Une sorte de souplesse des genres, à la fois technique et sémantique, au peintre de toujours décrire les enjeux d’une époque donnée en insistant sur telle ou telle spécificité du médium et des sujets. Cette spécificité introduit déjà une vision propre à chaque époque ou tout simplement à chaque peintre. L’erreur serait de croire, que la peinture un jour ne puisse plus rendre compte des enjeux sémantiques sans cesse renouvelés pour coller au mieux à l’humeur du monde.

Interrogeons-nous sur ce que doit être aujourd’hui le genre du paysage, à l’heure des changements climatiques et du réchauffement inexorable de la planète. Il aura fallu une activité humaine intense, pour que résulte l’idée commune d’une nature pourrissante, souillée, déchue, c’est sûr, en ce début de 21ème siècle. Aussi le peintre en ce début de millénaire, se doit de réactualiser au sein de son médium le genre du « paysage » mais aussi celui de la « nature morte », du « portrait », voire la « peinture d’histoire », qui réunit tous les genres…

Conscient des années nous séparant des Monet, Courbet et autres grands capteurs de subtiles lumières, inspiré d’une vision romantique, je décidai d’aborder le genre du paysage et de me donner l’occasion d’aller peindre à l’extérieur de l’atelier : sur le motif, comme les anciens.

Justifier cet acte d’un premier abord nostalgique, en prenant en compte le contexte climatique, et plus largement un rapport au monde conflictuel et désabusé. Depuis la fin du 19ème siècle, c’est l’idée même que se fait l’homme de son environnement et son rapport à lui qui a changé radicalement. Ces artistes se promenaient pour saisir toute la grâce, toute la complexité de ces paysages en en décrivant toute la force et la grandeur, je choisis à mon tour de sortir de l’atelier pour en sauvegarder, archiver, numériser ce qui pouvait encore l’être avant disparition.

De tous les animaux, je n’en connais aucun capable de manger, chier et dormir au même endroit. L’homme qui ne cesse de vouloir se différencier à tout prix et à toute époque de l’animal (langage, outils, intelligence, etc…) a, je crois, là, trouvé cette spécificité plus valable que toutes autres. Mais je m’égare.

Manifeste-Fabien Boitard

Comment peindre aujourd’hui ? Certainement en tenant compte de la déferlante des images audiovisuelles et de celles générées par les arts numériques. La problématique de la création des images au travers d’instruments comme la toile, les pigments et les pinceaux nous place à la fois au cœur d’une continuité plastique et de la relecture permanente d’une contemporanéité parfois en passe de s’épuiser. La recherche active de Fabien Boitard dans le rôle du jeune créateur prend place dans cet espace de l’entre-deux où de nombreux artistes l’ont précédé depuis Picabia. Les styles se succèdent en un ballet narratif, démonstratif, ludique, incisif ou même anodin. L’expérience de Sigmar Polke et de l’apparition de la banalité au travers de ses reprises de photographies participent du bagage intellectuel de l’artiste. Sans oublier la notion de flou et le caractère impersonnel utilisés par Gerhard Richter. On retrouve ces préoccupations dans le procédé du zoom employé avec certains sujets, comme un bouquet de fleurs et une route bordée d’arbres, fonctionnant également avec l’avancée et le recul du spectateur. En utilisant parfois la technique de la pixellisation de certaines parties du paysage, l’artiste arrive à les dissimuler tout en retenant l’attention du regardeur afin de mieux dévoiler le sens du fragment et de la totalité sous-jacente. L’acte de peindre s’inscrit à nouveau dans un processus de réinterprétation qui oblitère le monde de la perception.

Les œuvres de Fabien Boitard parlent d’un monde familier et grouillant où des formes simples oeuvrent à poser des questions complexes. Quelle est la bonne attitude à adopter par rapport au devenir du sujet ou comment se situer face à une combinatoire active d’éléments empruntés au réel mais dissociés de notre réalité ? L’artiste propose donc un regard, non pas nouveau mais personnel, reposant sur la juxtaposition du jeté, du posé, du lissé au travers d’un glissement pictural. Le résultat pose toujours la question première de l’acte de peindre au travers des représentations multiples. Les paysages de Fabien Boitard miment parfois des œuvres célèbres ou reprennent des chromos inattendus. La peinture se travestit pour mieux les dévoiler. A la question du sens et de l’esthétique se pose en parallèle celle du devenir de l’art et de sa force de réception. L’artiste bafoue les codes comme nous le suggèrent les grands créateurs d’hier et d’aujourd’hui. La finalité de cette peinture demeure à la fois dans le questionnement mais aussi dans les savoirs éparpillés de l’univers des images reproductibles à l’infini. Comme quoi une toile jamais n’abolira le hasard car elle demeure, malgré tout, un acte unique, néanmoins susceptible de se trouver reproduite indéfiniment. L’image se brouille et la conceptualisation de la matière prend le devant.

Les anecdotes de la vie construisent les œuvres de Fabien Boitard. Mais le tragique des situations vécues par tous, comme la guerre, en Occident par procuration, également. La notion de déplacement, vertu cardinale de l’art contemporain opère à plein dans les constructions picturales de l’artiste. Les scènes  proposées, villes, usines, ponts, routes, nuages, montagnes et plaines, etc. correspondent à notre perception habituelle. C’est donc que le style devient la manière et ce qui importe, au travers des glissements opérés de touches en touches est de montrer ce qui se produit entre deux styles. Comment réformer la peinture pour lui faire cracher une nouvelle fois l’image de l’image qui a vu et qui se verra?  Dans cette situation de mise en abyme apparaît à la fois la volonté de recherche permanente du créateur et sa façon de se servir des couches culturelles offertes en pâture aux regards planétaires. On sait que Duchamp proposait en fin de compte le mystère sexuel comme frontière ultime de l’installation tandis que Picabia optait pour une approche kaléidoscopique du devenir plastique. A charge pour l’artiste de naviguer entre ces deux pôles, posant une violente nonchalance comme préalable à une mordante ironie.

– Christian SKIMAO