EXPOSITIONS PASSÉES

Déballage avant hivernage – le 2, 3, 9, 10 décembre 2023

Pour terminer la riche année 2023 de la GALERIE DE LA CASCADE (avant une pause inéducable vu la quasi impossibilité de chauffage de les locaux), nous avons proposé un « déballage avant hivernage » sur un mode plutôt informel, une sorte de foire aux œuvres ou chaque artiste disposera d’un espace tiré au sort et y montrera ce qu’il voudra.

C’était l’occasion de rencontres avec les artistes autour d’un vin chaud, d’un morceau de fouace et des œuvres. Nous avons ouvert nos cimaises à 12 peintres et photographes vivants en Aveyron :

Didier SABY | Frédéric FAU | Gérard ALVAREZ | Guy SOUNILLAC | Jean Claude LEROUX | Jean Luc FAU | Marie Claude CAVAGNAC | Maurice SUBERVIE | Patrick CAYROU | Pierre Marie CORBEL | Serge BONNET | Thomas DE VUILLEFROY

Après avoir montré des artistes vivants et travaillant en Occitanie mais aussi ailleurs en France et à l’étranger, c’était l’occasion de voir et revoir une partie de la création Aveyronnaise.

Voila donc une rencontre autour des œuvres sous le signe de la convivialité dont le mot d’ordre était « fouace, palabres et vin chaud ».


Waltraud ZUGMAIER – du 22 octobre au 26 novembre 2023

La Galerie de la Cascade a présenté a partir du 22 octobre 2023 l’artiste Allemande Waltraud Zugmaier. Une ouverture sur les artistes Européens que l’association étend réitérer en présentant chaque année une ou un plasticien d’un pays différent.

Waltraud Zugmaier est née à Neu-Ulm dans la Bavière Allemande. Elle a toujours dessiné. Elle commence a pratiquer la peinture en 1988, en parallèle de son métier de scientifique et chercheuse.
Depuis 2008, elle vit et travaille à Tourouzelle, petit village de l’Aude, entre Corbières et Minervois où elle se consacre entièrement a sa pratique et expose régulièrement.

Sa peinture se situe autant dans les mouvances de la peinture informelle que de l’Action Painting, sans qu’elle se reconnaisse dans la position exclusive qu’ils revendiquent. Waltraud cherche à construire une peinture équilibrée, une composition harmonieuse où elle met de la sérénité et exprime sa gestualité. L’insertion dans ses tableaux de collages, de structures, d’écritures qu’elle recouvre de couches de cire crée une impression de profondeur, donne un effet spatial affranchi de la perspective.

“Le soleil, la mer et la couleur sont au quotidien les sources de mon inspiration.
Mes tableaux ont souvent des coloris intenses et l’on peut sans doute y reconnaitre des formes à peine esquissées. Ce jeu de formes et de teintes est composé de manière presque instinctive.

Je ne souhaite pas forcément représenter quelque chose et encore moins délivrer un message. Peindre est pour moi un espace d’indépendance et de liberté au travers duquel j’exprime sans contrainte une partie de ma personnalité et de mes émotions.”

Les toiles de Waltraud Zugmaier sont construites autour de parties empreintes de sérénité, de parties plus ensauvagées, dans un jeu de construction/destruction ou de destruction/reconstruction qui sont comme une réorganisation du monde, la recherche d’un équilibre fragile ou l’œil reconstitue une cartographie intime s’attachant a telle ou telle contrée du tableau observé.

Le regard se perd, se trouve dans un cheminement entre aplats de couleurs, signes, calligraphies incertaines.

Il y a une “vie intérieure” dans ces aplats de couleurs créée par des “texturages”, des interventions parfois délicates, parfois marquées par la violence gestuelle et spontanée du pinceau, qui animent la surface et la sous face du tableau.

L’artiste aime a citer cette réflexion de Robert Rauschenberg qu’elle a fait sienne : “Parfois, je vois – et puis je travaille! -Et parfois je travaille et puis je vois”.

…Marchez pas à pas dans ses toiles, laissez-vous porter sans chercher à comprendre, laissez-vous pénétrer par le souffle que ses œuvres dégagent…


Alain BALLEREAU – du 10 septembre au 15 octobre 2023

Alain Ballereau est né à Paris en 1956, et pratique la peinture depuis l’âge de 14 ans.

Diplômé de l’ Ecole Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art de Paris.

Depuis 1988, il expose régulièrement son travail. En 1991, il s’installe dans le Tarn et Garonne et se consacre entièrement à la peinture.

Alain Ballereau

Dans son absolue nécessité de créer, Alain Ballereau envisage la peinture comme une aventure. Entre intention et errance, spontanéité et vigilance, il évolue sur un jeu de pistes aux entrées multiples, en quête de territoires nouveaux.

 Au commencement, le même rituel, préparer le fond, lieu d’expression : deux feuilles de kraft collées, rigidifiées sur leur pourtour. Pour libérer le geste, l’artiste fait corps avec ce support, l’appréhende dans son entité, entre physiquement dans la peinture à même le sol. Il tourne autour et l’aborde parfois sans l’orienter. A l’aide de larges spatules et spalters, il couvre entièrement le papier de jus d’acrylique très liquides, ou le macule de taches éparses visant à préserver et faire vibrer la couleur d’origine, pour occuper l’espace, que la peinture prenne place. Ces expériences techniques longuement acquises, ces sensations éprouvées et emmagasinées sont autant de fondations de l’œuvre.  Les doutes cumulés, couches superposées, repentirs et incertitudes exploités donneront naissance à sa substance.

Puis un sens s’impose comme une évidence. Le matériau choisi, souple, robuste et maniable, pauvre mais vivant et léger, se prête à toutes les manipulations : coulures orientées, empreintes sur un autre papier, frottements. Dans une gestuelle maîtrisée, l’artiste joue avec le « hasard dirigé », découvre en agissant, s’étonne en cheminant, anime cette matière plissée comme une peau, aride comme un sol désertique, frémissante d’aspérités. Ni brillance tapageuse ni luxuriance excessive mais une matité, une sobriété, une économie de moyens dans un travail d’ombre et de lumière ; une gamme de couleurs restreintes pour pénétrer au plus profond, cibler l’essentiel. Ces papiers libres, flottants, conservent le goût de l’inachevé, s’inscrivent dans le temps comme arrêtés dans la fraîcheur du geste.

Plusieurs œuvres peuvent émerger parallèlement, simultanément, et parfois, les grands papiers encore humides, face contre face ou piétinés par l’artiste s’imprègnent, s’enrichissent mutuellement. En gestation, les peintures sont pendues à un fil pour sécher, décanter, maturer. Alain Ballereau et son œuvre, dans un ballet incessant, passent du sol à la verticalité.

Figuration ou abstraction ? Angoisse ou sérénité ? Présence ou absence ? Ces peintures allusives libèrent l’imaginaire, ouvrent une infinité d’espaces sans rien imposer, pas même un titre pour nous guider dans cet univers onirique, poétique, mystérieux ou mélancolique.

Alain Ballereau crée une œuvre riche, protéiforme, sérielle, en renouvellement perpétuel. Sa peinture foisonnante et homogène contient la suivante en germe et conduit vers d’autres horizons, d’autres pulsions créatrices.

Rose Lecompte, historienne d’art – mai 2021


Thierry CARRIER – du 25 juin au 27 août 2023

Né en 1973, Thierry Carrier fait un bref passage à l’Ecole des Beaux-Arts de Toulouse. Etabli à Souillac, dans le Lot, il se consacre à la peinture depuis plus de vingt ans. Il expose régulièrement à Paris, Lille, Lyon, Toulouse, Munich et bénéficie de nombreuses expositions institutionnelles.

Ses toiles, sans titres, sont codées et représentent le plus souvent des scènes improbables, voire irréelles… Ses personnages, hommes, femmes, enfants, semblent suspendus dans un environnement minimaliste.

Si l’on retrouve des personnages emprunts de réalisme dont certains partagent notamment les traits de son visage, l’artiste cherche à s’affranchir de l’attention portée aux caractéristiques physiques du sujet traité. Les postures immobiles et les regards neutres, absents ou masqués de ses personnages dégagent un sentiment de mystère encore amplifié par les fonds “floutés”, quasi abstraits. 

Dès lors, l’oeuvre dirige notre attention, non plus sur l’aspect physique du sujet, mais sur l’atmosphère qui imprègne la toile. Le temps s’est arrêté. La peinture de Thierry Carrier est énigmatique, sensible et profonde. Silencieuse également… L’artiste en parle en ces termes : “On se retrouve devant différentes mises en situation d’un état, un monde de silence, une representation dépouillée de l’Homme, un être en suspens et insondable, une peinture reflétant ma propre aspiration au silence.”

Chaque chapitre marquant l’existence, qu’il révèle une maladresse récurrente, une timidité, ou ce complexe d’infériorité qui trop souvent nous porte à croire que nous pourrions avoir notre place nulle part, peut nous transporter vers la lumière. 

J’ai 4 ou 5 ans, à l’école maternelle de Souillac, petite commune du Lot (46). J’ai 48 ans aujourd’hui et je m’en souviens comme si c’était hier. Première sensation de ce complexe d’infériorité, première étape inconsciente de ma construction d’artiste. Je peins un décor avec d’autres élèves, un château pour le spectacle de fin d’année je crois. Un autre groupe travaille sur la confection de coussins. Je plonge mon pinceau dans le pot et j’applique un peu trop violemment la peinture, de petites gouttes de couleurs (chatoyantes) se retrouvent projetées sur les autres élèves, tachant au passage leurs coussins. Résultat, Je prends une gifle par la maîtresse. Et oui, à l’époque on a le droit de frapper des enfants. Sentiment de honte…

Voilà un des nombreux chapitres qui ont fini par m’installer hors des clous. Peur de mal faire, peur de dire des conneries… La découverte de la peinture s’assortit par la suite de sensations nouvelles et douces : je réalise qu’en partant d’un gribouillis, l’image se révèle. Je suis adolescent, je ne sais pas ce que je peins mais je sais que ça me fait du bien. Se retrouver seul, enfermé, ne me semble plus être un signe de faiblesse pour échapper au monde. L’atelier devient un espace de liberté totale, où je ne risque pas de prendre une gifle par une maîtresse acariâtre. Paradoxalement, de cet enferment découle une ouverture sur le monde. 

Que c’est bon de se tacher ! Que c’est bon d’être qui on est avec cette douce sensation d’accepter de l’être ! Retour en arrière : 1990, lycée à Aurillac (15). Ma prof d’expression plastique nous présente dans la salle de projection Les Ailes du désir (1987), d’un réalisateur que je ne connais pas encore, Wim Wenders. L’histoire de Damiel et Cassiel, anges invisibles et immortels, qui scrutent Berlin et errent parmis les humains jusqu’au jour où l’un d’entre eux s’éprend d’une belle et solitaire trapéziste, Marion, et renonce à l’immortalité afin de goûter aux plaisirs sensoriels de la vie humaine. Je sors de cette projection avec l’intime conviction que mon travail sera celui-là : une recherche visuelle portant sur l’humain, l’introspection de l’être, celle de mon être où atteindre les cieux se passera bel et bien sur terre, en oeuvrant pour l’amour de l’autre, pour l’amour d’une autre et surtout pour l’amour de moi-même.

Viennent ensuite les Beaux-arts à Toulouse (31), véritable désillusion. Dans les années 2000 je travaille au Frac d’Auvergne à Clermont-Ferrand (63), expérience enrichissante. Aujourd’hui, l’art est là pour transcender le réel dans ce qu’il a de plus vrai. La peinture n’est qu’un médium pour révéler cette réalité, ma réalité. Les tableaux que l’on peut voir lors d’une exposition n’ont pas plus d’importance que de simples galets ramassés sur une plage. Ce qui m’intéresse n’est pas le galet mais la plage elle-même, avec en ligne de mire un horizon, où l’inconnu tient de ce parfait équilibre jubilatoire entre le dessous et le dessus. Sur ce fil tendu inatteignable, vers lequel se porte en permanence mon regard et sur lequel je ne marcherai jamais. Mon métier d’artiste est un garde-fou : avec lui j’aurai toujours le pouvoir de ne pas chuter de part et d’autre de cette ligne. Je peins donc je suis et comme je suis, je n’aurai jamais la prétention d’être au-dessus et ferai en sorte de ne jamais tomber en dessous.Aujourd’hui j’ai la chance de vivre de mon travail, en collaboration avec la Galerie Bayart. Et je vis avec une maîtresse d’école. Comme quoi, je ne suis pas rancunier.

– Thierry CARRIER


“Ecoute la forêt plutot que l’arbre qui tombe“ – du 13 mai au 18 juin 2023

Cette phrase de Friedrich HEGEL ouvre un espace de créativité et de réflexion, une excitation poétique et philosophique auxquels ont répondu les artistes invités. 

Ils nous proposent, au travers d’un même désir de rétablir le lien presque rompu entre nous et le monde sauvage, des œuvres qui mettent en avant l’importance de l’écoute et de la contemplation de la nature, sa beauté, sa poésie et sa diversité au travers d’une quête individuelle et empirique 

Cette exposition est une incitation à une sorte d’ »optimisme conscient ». Si nous pouvons et devons être vigilants et concernés par les  problèmes majeurs que la nature subit, il est primordial également de garder notre part de rêve et d’émerveillement : c’est la que peut naitre et se nourrir la conscience profonde et la motivation pour œuvrer dans le sens de la préservation et du respect. 

Enfin, une exposition collective est une occasion pour les artistes de se révéler auprès d’un public plus large. Les visiteurs peuvent découvrir de nouvelles œuvres et de nouvelles idées, et cela peut aider à construire des relations plus solides entre les plasticiens et leur public.

Elles offrent une occasion unique de voir comment différents artistes interprètent un sujet donné, de créer des liens entre eux, et d’offrir un aperçu plus large de l’art contemporain. Pour plus d’infos sur chaque artiste, cliquez le bouton ci-dessous.


Cyril HATT – du 25 mars au 7 mai 2023

Pour notre première exposition de 2023, nous avons choisi les œuvres de Cyril HATT, qui reconstruit des objets du quotidien en trois D après les avoir pris en photo ; le re-montage à l’aide d’agrafes leur donne un air déglingué, vaguement post-apocalyptique. Bien sur il y a aussi une réflexion sur l’image (de l’objet à l’image qui redevient un objet…) et pas mal d’humour, ce qui ne gâche rien..

Fanatique du ciseau et de la photo, Cyril HATT semble prendre un certain plaisir à jouer avec notre perception du volume.  Depuis 1999, il mène un travail dans lequel la photographie, envisagée comme matériau, subit une série de détournements. Ainsi, ses images sont morcelées, éclatées ou reconstruites, grattées, griffées, déchirées et « réagrafées ». A partir de 2003, apparaissent dans sa production des volumes photographiques. Les objets photographiés, souvent inspirés du Street-Art, sont reproduits à leur échelle en 3D, après avoir subi donc une série d’altérations et de montages. Ils tendent ainsi à recomposer des « paysages d’images » dépossédés de leur fonction originale, tout en restant des images issues de notre quotidien. Paradoxalement bricolé et sophistiqué, le résultat est particulièrement troublant. Ces objets n’ont finalement que leur fragilité à nous offrir, les rendant ainsi sensible et les détachant du ludique ou de l’anecdote.

Nicolas ROSETTE

Cyril Hatt est né en 1975 à Montpellier.

Inspiré par le Street Art et la culture underground, il commence à écrire et peindre sur des photographies. Ses recherches l’amènent jusqu’au degrés zéro de l’image. Les photographies sont entièrement effacées et le résultat s’apparente sous certains aspects à de l’expressionnisme abstrait. En 2001, il co-réalise avec Brice Jubelin et Thierry Fabre un long métrage, Road Kill Movie. Puis apparaissent les premiers volumes photographiques avec Sneakers. L’aspect sculptural dans son travail sera développé avec de nombreuses séries d’objets et des installations monumentales jusqu’à aujourd’hui.

Cyril Hatt vit et travaille à Saint Jean de la Blaquière dans le sud de la France. 


Michel CURE – du 26 novembre au 24 décembre 2022

« Je vais présenter à la galerie de la cascade de Salles-La-Source, essentiellement des peintures abstraites très récentes, produites dans le bonheur de cet été et automne. Viendront se joindre des œuvres plus anciennes (2009-2010) mais de facture très proche.

Cette exposition ferme un peu la parenthèse des portraits et des peintures plus figuratives que j’ai montré ces dernières années.

Je ne renonce à rien mais je tiens à montrer le cheminement tortueux de ma peinture.. »

– Michel CURE


Claude ROUCARD – du 15 octobre au 22 novembre 2022

Pour notre deuxème exposition, nous avons choisi les œuvres de Claude ROUCARD.

Parmi les principaux genres picturaux, Claude Roucard pratique volontiers le paysage, la nature morte, parfois le nu, alors qu’un choix délibéré le tient éloigné des contingences de la narration ou du portrait.

Il a expérimenté la non-figuration avant ‘en venir, depuis les années 1990, à une observation scrupuleuse d’ un visible d’où l’être human reste quasi-exclu, marginalisé en tout cas, comme phagocyté par le végétal. Selon cette vision, il consacre ses travaux aux manifestations monumentales de la « nature-naturante » : vastes paysages, arbres remarquables. A l’opposé, serrant au plus près la vitalité du végétal sous ses aspects les plus infimes, le peintre concentre son regard sur les feuilles de légumineuses, sur les replis sans fin des citrouilles, courges et autres potimarrons, scrutant la vie végétale jusqu’aux tréfonds cachés des bourrelets de l’écorce rugueuse, gonflée par la pulpe, plénitude de la chair.

Les tableaux peuvent atteindre des formats considérables où l’échelle n’a pas de part. C’est l’homme qui impose à la nature l’ordre du nombre ; tout au moins le tente-t-il. Dans l’univers de Roucard, une citrouille exige et obtient autant de place qu’un large panorama. Même si l’on songe aux natures mortes flamandes, aux accumulations fascinates de leurs victuailles, à leurs débordements, aucune n’a jamais donné la vedette à un unique légume, n’en a donné, en somme, un portrait, aussi majestueux que celui d’une infante de Velázquez.

On n’en finirait pas avec l’énumération des techniques de cet artiste vrai : bien sûr les empâtements des huiles et les glacis, les jus du brou de noix, les rehauts des « crayons », comme l’on disait autrefois. A titre personnel, j’ insisterais sur la production impressionnante des pastels, art synthétique alliant la solidité du dessin à l’effusion de la couleur. Roucard en coloriste consommé y déploie la quintessence de son art, rejoignant sans effort la grande tradition française classique déploiement des teintes, profusion des nuances, luisances des surfaces. Hommage à la lumière.

en meules, accumulations destines à une lente et sûre décrépitude. Même lorsque l’Homme ne prend point part à leur déchéance, les plus beaux étals, accumulant les plus parfaits légumes, finiront en amas pourrissant. Tel est le sens et telle la moralité que porte la « nature-morte» : memento mori – souviens-toi que tu vas mourir. Ainsi Roucard assiste-t-il à ce combat sans espoir que mène toute espèce vivante. Mieux, il décrit l’affrontement, étape après étape, tout au long de séries qui jalonnent la mort annoncée de ses séduisants modèles. Et à mesure qu’elle approche, pièce après pièce, se dévoile l’anatomie humane que compose celle, métonymique, du fruit. Les replis révèlent des aines, les cavités des sexes féminins exhibant impudiquement leurs détails morphologiques les plus intimes : « le corps, cette guenille » selon la formule moliéresque; Éros et Thanatos selon le topos bien connu. Roucard, lui, ny va pas de mainmorte et compose autour de cette faillite une symphonie de formes et de couleurs.

Récemment (mais ce n’est qu’un point d’orgue provisoire) il a donc promu la tomate comme motif central, libérant le fruit des Campbell’s Soup Cans où Andy Warhol l’avait enfermait en 1962. Voilà ce que montre l’actuelle exposition : la geste tragique d’une mort annoncée, qu’elle concerne la « pomme d’amour » joufflue des Marmandais ou la « pomme d’or » rutilante – il pomodoro des Italiens. Au terme de son procès destructif, le beau fruit de la maturité finit par révéler la tête de la Camarde, celle qu’illustre l’allégorie médiévale des Trois Ages ou que révèle l’anamorphose composée par Holbein pour Les Ambassadeurs ; celle que Claude Roucard dévoile aujourd hui, à sa manière, au regard contemporain.

Claude FRONTISI, Professeur Émérite à l’Université de Paris-Ouest


Joël BRISSE – du 2 juillet au 25 septembre 2022

Notre première exposition a montré les oeuvres de Joël BRISSE. Peinture vibrante et colorée, habitée par des personnages singuliers et fantomatiques.

Les vivants de Joël ne se manifestent jamais comme sujets uniques du tableau. Ils ont besoin, pour que leur histoire se raconte, de l’histoire des paysages dans lesquels la peinture les expose.

Pas besoin de brasser des foules, il suffit de quelques corps pris dans l’instant, occupés qu’ils sont à vraiment pas grand-chose dans leurs cadres de vie champêtres et urbains.

Ils n’ont en gros qu’à être juste là. Apparaître aussi là où on ne les attend pas, comme un loup dans l’image. 

Le geste du peintre au travail les a stoppés dans le leur, dans leurs mouvements et décisions qui resteront en rade, et les voilà suspendus, éternellement, sans raison ni perspective, comme celle qui court ou celui qui s’élance au beau milieu du tableau, au-dessus des collines ou des villages.

Incontestablement humains et bien reconnaissables ils ne sont pourtant pas autre chose que figures de peinture. 

La peinture de Joël dit, voilà mes vivants peints et la nature peinte qui les porte, les vifs de mon sujet. Encore que le sujet et la nature soient toujours sujets à caution et remis en chantier par la peinture en train de se faire. Et qui ne lâche, la peinture, jamais rien.

Le réel, chez Joël, est toujours à portée de main, reconnaissable, sans doute, mais tellement modifié qu’il bifurque et nous dit autre chose, la peinture l’a retourné comme une image perdue.

Le réel désorienté ne fait plus sujet, ne fait plus paysage, ne fait plus pont ne fait plus vigne, portrait, ni ciel, il fait tout simplement tableau, histoire du temps que le peintre a passé à peindre en se posant des questions de peinture, simples et complexes on peut imaginer, concrètes tout le temps,  histoire d’une surface vierge où le peintre avec son  œil exercé à voir le monde autrement qu’il se donne y a jeté toutes les fictions qu’il veut, histoire enfin de cette durée singulière qui est celle d’une peinture en train de se faire et qui n’a rien à voir avec celle des narrations.
Extraits de « Quand la peinture fait des histoires de tout », Noël Renaude, 2021

C’est qu’il y a, chez Joël Brisse une mystique de la peinture conçue comme le débordement de la représentation, la fracture de son cadre, clôture forcée pour éclairer le réel dans un effort qui fonde le mysticisme du peintre auquel une forme de foi est nécessaire sauf à renoncer pour se consacrer à la répétition du même. C’est-à-dire à une production d’images, vaines. En cela, le peintre est poète, visant à une plus grande pureté, au-delà de « l’universel reportage » qui avilit « les mots de la tribu », disait Mallarmé.

Voir ce qui est, voir ce que le regard peine à distinguer, c’est, pour le peintre, s’emparer du réel dont il s’agit de manifester la présence et il lui faut « Essayer. Essayer encore », jamais quitte, souvent insatisfait pourtant. À Beckett, on pourrait emprunter d’autres mots, ceux avec lesquels il évoque la peinture d’Abraham Van Velde, « peinture de la chose en suspens […] la chose seule isolée par le besoin de voir. La chose immobile dans le vide. Voilà enfin la chose visible. »

Dans tout cela, à chaque jour qui voit reprendre le travail sur cette toile apposée au mur de l’atelier avant d’être tendue sur son châssis, est donnée une joie de peindre sensible à qui veut bien plonger son regard dans cette fenêtre ouverte entre les quatre coins du tableau.  Il y a peu, une anguille troublant le plan de la toile d’une contorsion qui la dérobe ou la révèle ; un kimono, merveilleuse surface flottante devenue un autre tableau pour exposer des fleurs qui semblent ne pouvoir éclore ailleurs ; et puis un chien, compagnon des années passées, contemplant le pan de mur jaune  de la maison qui, en retour, éclaire sa silhouette ; ou bien encore la table roulante de l’atelier, encombrée de pots, de pinceaux, de chiffons, ordinaire et devenue simplement évidente d’être posée dans rien d’autre ; des voisins, étrangers familiers, debout dans la couleur qui porte et traverse chacun ; les vignes, à deux pas de l’atelier, qui désignent, noueuses, un affrontement vert et orange et bleu nuit qui est peut-être une conjonction ; un arbre, somptueux, dont l’expansion rhizomique s’est emparée de tout le visible ; le bateau flottant dans la ramure ; tout cela fait aujourd’hui les tableaux de Joël Brisse, tableaux qu’on ne peut réduire à ce qui serait leur sujet ou bien à ce qui en a constitué le motif. De chacun, il lui importe de transcender l’espace strictement découpé, les formats variant peu, et non pas de le remplir. C’est ainsi que le travail du peintre délimite un lieu dans lequel se manifestera une présence, une table, un chien, un être humain, qu’importe, mais donnée à voir, à la fois proche et irrémédiablement lointaine puisque insaisissable. Et cela vaut la peine d’être essayé encore et encore. Ou, pour le dire avec les mots de Leiris concluant un portrait de Giacometti : « Sans se déprendre de ce qu’en tous temps et en tous lieux maints artistes ont produit d’exaltant, reprendre l’art comme s’il n’était pas inventé encore et aussi éloigné de la naïveté feinte que du primitivisme voulu, refaire chaque jour l’immémoriale invention qui restera toujours à faire.
Extraits de « Essayer encore. Rater encore. Rater mieux »   – Christian Maisonneuve, 2021