Du 29 juin au 22 août 2025
Vernissage le samedi 28 juin à 18h
Du 29 juin au 24 août 2025, sous le titre de « A l’horizon des mémoires 2 », la Galerie de la Cascade présente les œuvres de Sébastien BAYET, artiste contemporain né en 1969 à Hirson en France et qui vit et travaille entre la France et Madagascar.
Géomètre de profession, il exerce ce métier de 1987 à 1996. C’est à partir de 1996 qu’il se décide à sauter le pas et se consacre entièrement à la peinture. Dès 1998, il reçoit le prix de la « Jeune Peinture » en Allemagne. Ses premiers travaux s’axent vers une dimension néo-expressive.
Les années 2000 quant à elles, annoncent un retour à la peinture figurative, plus réaliste où le sujet gagne de l’importance. Durant cette décennie, ses tableaux à dominante noire et blanche traitent de sujets encombrants, sombres, voir violents ou l’impact provoqué fait la force de l’œuvre.
Fin des années 2000, il se livre à de multiples recherches et nous montre une grande variété dans le choix de ses mediums. Cette matière qu’il va travailler fleurte avec la sculpture et les installations.
Dans les années 2010, l’amour de l’Art et des Grands Maîtres est au centre du sujet de son œuvre. Une peinture de genre où de nombreux hommages aux références classiques apparaissent. Le traitement du tableau se fait avec du tissu et de la peinture à l’huile, tout en relief.
À partir de 2015, les tableaux regagnent en abstraction, les plages de tissus deviennent beaucoup plus larges. C’est en 2017 qu’il travaille avec des voiles de pirogues de pêcheurs Vezo (peuple nomade malgache) qui sont des patchworks de tissus de 2ème et 3ème main où il va opposer abstraction et figuration qui vont se répondre harmonieusement. Dans ses grandes compositions abstraites on retrouve son atelier français qui pour lui est le plus bel endroit du monde. Il va créer une série d’œuvre autour de cette thématique : Mémoire d’Atelier où il présente les deux mondes dans lequel il vit.
« Mon atelier est un prétexte à une composition globale. L’abstraction et le dessin sont un ensemble, il me donne une identité. La dualité des deux thématiques figuration et abstraction se doivent d’être complémentaires. Les voiles donnent de la légèreté alors que mon atelier, lieu de création, est plus compact. »
Sébastien Bayet est un artiste amoureux de la matière qui cherche à valoriser ces tissus censés arriver en fin de vie pour les faire renaître en pièce unique d’art.
De la mer vient le monde. D’elle viennent aussi les rêves, le voyage, l’ailleurs. Elle inspire les esprits et transporte les coeurs. Elle s’installe sur les côtes et offre ses richesses. Avec Sébastien Bayet, la mer s’invite dans les pratiques artistiques. Les côtes malgaches entrent dans le processus créatif, pénètrent dans l’atelier de l’artiste. « Une voile qui devient toile ». Partir vers un autre horizon. Voilà ce que propose ces tableaux une nouvelle échappée créatrice. Partir en quête de matériaux, voir dans les gestes quotidiens des marins malgaches un geste initial coudre des bouts de tissus dépareillés, et en faire des voiles de pirogue. Poursuivre cet acte, tendre ces tissus rafistolés, puis peindre. Peindre la mémoire de son atelier. Quand les pièces de tissus dialoguent avec la pièce de vie l’atelier de l’artiste. Comme des mémoires vivantes, les oeuvres traversent les espaces de travail après avoir traversé la mer, toujours entre Madagascar et la France.
Collecter des chutes de tissu, et mettre les voiles. La matière première est trouvée des anciennes voiles de pirogues malagasy. Un tissu soumis à l’épreuve des éléments Une étoffe qui traverse l’usure du temps. Un désir de retrouver ce qui dure qu’il est dur ce désir là. Rejoindre le souci des petites choses, en ramassant ce qui est gisant, à terre, ce qui chute. Rencontrer l’humilité des haillons et se lancer le vent en poupe dans un nouage du temps. Ces assemblages hasardeux, ces patchworks, ces raccommodages, ces rafistolages, permettent de retrouver le récit. Rassembler ce qui est devenu épars. Renouer la toile organique de la mémoire des peuples avec ce que l’on a tendance à abandonner. Réveiller ce qui sommeille dans l’inutile, l’oublié, le chiffon. Voir dans la petitesse des vieilles guenilles un gonflement de sens et de sensations. Les loques deviennent éloquentes elles disent les petites sensations de l’atelier et des gestes artistiques.
Les voiles de Malagasy se nouent sur un nouveau mat, contentent une nouvelle proue l’abstraction d’abord, la peinture figurative ensuite. Sébastien Bayet ouvre le chiffonnier et met tout à plat sur la toile. Les différents tissus se chevauchent, sont cousus, ou collés nous aimerions les croire indéfectibles Ils réunissent les diverses perceptions, fruits du travail artistique. La pièce de tissu renvoie directement, par sa couleur et sa matérialité, à des dimensions olfactives. Au fond de cette expérience perceptive la mer toujours, et la vie insulaire. Les tâches d’huile révèlent ce que la toile a traversé. Sur la mer d’abord comme voile, sur la plage ensuite comme nappe, puis comme matière sublimée, comme matériau artistique. Passer d’outil de navigation à ustensile de cuisine pour s’éterniser sur les toiles de Sébastien Bayet. Faire perdurer l’innocence des bouts de tissus usés, tachés, pour que notre oeil s’y perde et s’abandonne à la contemplation.
La synesthésie opère, les assemblages de tissus retrouvent une atmosphère générale. La mémoire de l’atelier par le souvenir et la présence permanente de ses odeurs. Cet espace est central l’atelier est partout. Abstraitement par les formes, couleurs, tâches, usures, coutures, et figuré petitement, comme sur un timbre, par la peinture à huile. La vie de l’atelier vient se ramasser, se concentrer sur les toiles. D’abord par les petites sensations que les tissus véhiculent, puis par les traits fins dessinant l’atelier et sa lumière. La lumière demeure la source elle organise le visible et nourrit la toile en offrant à l’atelier sa profondeur. L’atelier est l’espace personnel de l’artiste son espace principal. Le seul site qui peut lui offrir une identité. La toile devient une fenêtre sur l’intérieur. Une ouverture sur ce qui se concentre dans l’intime. Une amorce sur ce qui se noue au dedans de nous mêmes. Une déchirure retrouvant une unité. Ce que nous sommes et ce que nous devenons au travers de nos vies. Unis dans nos failles, et permanent dans nos propres identités.
Comme un éloge de la faiblesse, comme un dieu qui s’abaisse. Dieu s’est fait homme, et l’art sublime son haillon. Dans cet abaissement fondamental, la création devient humilité. Nous retrouvons la simplicité et la modestie de la matière réutilisée. Ce qui était préalablement sans valeur devient valeur suprême force artistique. Parcourir les toiles en portant au coeur la sagesse des choses. Ne jamais oublier que ce qui nous paraît insignifiant et pauvre constitue en réalité les trésors de notre mémoire et de notre intimité.
Perez François Xavier
Photos : ©Pascal Stritt